Qu’est-ce que tu deviens ? « Qu’est-ce tu deviens ? » Le philosophe Gilles Deleuze trouvait cette question stupide, car, disait-il, à mesure que quelqu’un devient, ce qu’il devient change autant que lui-même... De ce point de vue, le collectif artistique Mulupam crée en 2009, n’est ni une addition, ni une synthèse, ni une assimilation mais une oeuvre ininterrompue et renouvelée pour créer un monde distinct qui pousse entre trois sensibilités singulières. A cette interrogation familière sur notre identité, les artistes apportent une réponse vivante par l’agencement d’un multiple d’images et par l’hybridation de leurs savoirs faire. Comme si elles formaient un éloge de l’amour où toute une expérience du monde se ferait moins à partir de leurs identités que sur la base de leurs différences. Les artistes font ici des offres personnelles qui circulent de l’une à l’autre dans le jeu de leurs proximités. Elles nous montrent des écarts et des chocs comme elles insistent sur la perméabilité de leurs frontières intérieures dans une étonnante cartographie du désir. Muriel Carpentier est observatrice des métamorphoses des objets et des gens, plasticienne des corps et des sons. Elle scénographie les temps de l’intime. Lucile Hoffmann est une conteuse des fragments de vie, des situations et des signaux faibles de notre présence au monde. Paméla Dorival est orfèvre et assembleuse de matière brute dans les agencements fins d’objets et de lumières. Les trois plasticiennes, seules et ensemble, offrent des propositions hétérogènes mais qui font corps dans une chorégraphie fragile. Leur travail montre beaucoup de confiance mutuelle dans le hasard des vibrations du dessin, des divisions des couleurs, des distensions des formes et des captures du mouvement. Les frontières sont indécises entre le familier et l’étrange, l’ordinaire et le rêvé. Bienvenue dans le catalogue baroque des troubles sensoriels, des passages furtifs vers les fantasmes et des voiles posés sur nos parts obscures qui se dérobent sous les lumières, les encres et la mine de plomb...
Christian Sozzi
Galerie B+ Lyon - du 16 juin au 14 juillet 2018